Mica - Ismaël Ferroukhi

 

Isabelle Giordano, Yannick Noah, Ismaël Ferroukhi, Mansour Bahrami et le public !

CONTEXTE

Cinéma pour tous est installée depuis deux ans dans les locaux de L’Ascenseur, dont les associations résidentes partagent une mission d’œuvrer pour l’égalité des chances des jeunes.

À l’occasion de la sortie de Mica, c’est naturellement que s’est organisée la séance en commun avec l’association Fête le mur, fondée par Yannick Noah en 1996. Outre la simple initiation au tennis de jeunes de quartiers prioritaires, Fête le Mur a développé d’autres activités culturelles et éducatives, et ce dans l’optique, toujours, de faciliter l’épanouissement des jeunes de l’association.

Le film Mica aura donc permis cette rencontre. Ce film à hauteur d’enfant nous plonge dans le désarroi du jeune Mica, obligé à travailler très jeune pour soutenir sa famille. Il rêve de partir en France pour y trouver une condition plus confortable et l’on redoute pour lui la condition de mineur isolé. Plongé dans un quotidien rude, chargé de l’entretien d’un club de tennis, il se prend de passion pour ce sport et l’on s’échappe avec lui par ce biais.


DÉBAT : EXTRAITS

Débat animé par Isabelle Giordano, en présence du réalisateur Ismaël Ferroukhi et de Yannick Noah. Ce dernier a également souhaité inviter sur la scène son partenaire de jeu et ami Mansour Bahrami. 

Yannick Noah commence par exprimer son émotion en voyant le film et son plaisir à voir une histoire qui offre un message d’espoir et de passion en la gardant réaliste. Ismaël Ferroukhi explique que son personnage lui a été inspiré par un garçon qu’il avait rencontré, qui était ramasseur de balles issu d’une famille pauvre et qu’il avait réussi à devenir entraîneur. 

Yannick Noah confirme que ce sport est souvent réservé aux élites sociales et qu’il est difficilement accessible aux plus démunis. 

L’importance de la main tendue :

Sarah de Garches, ainsi que Jassim interrogent Yannick Noah sur ses débuts et d’autres lui demandent s’il a été soutenu dès ses débuts de tennisman.
Il explique qu’il a commencé à jouer à 8 ans contre un mur et a pu accéder à un court au Cameroun à partir de ses 10 ans. Il a été repéré et est parti pour la France où il s’est formé professionnellement, très jeune. Il explique combien il était dur d’être loin de sa famille, qui était son pilier. Il évoque l’importance d’être bien entouré et de la main tendue, comme dans le film.

Ismaël Ferroukhi rebondit sur le film et l’importance d’incarner cette main tendue à travers le personnage de Sophia qui donne confiance en lui à Mica, au-delà de ses prédispositions. Sa présence lui donne une énergie qu’il a du mal à trouver seul. 
Le réalisateur explique qu’il a voulu faire un film avec de l’espoir et de la lumière. Il estime qu’en venant d’un milieu aussi défavorisé, on peut s’en sortir, mais que c’est très dur d’y croire sans une main tendue, bienveillante, pour être encouragé et accompagné. 
D’ailleurs, le garçon qui incarne Mica, Zacharie, était lui-même ramasseur de balles avant d’être repéré par le directeur technique du centre qui l’a encouragé à jouer.

Yannick Noah invite alors à leurs côtés Mansour Bahrami, ancien champion de tennis et ami, à venir raconter son parcours.

L’histoire de Mansour :

“En voyant ce film, je me suis retrouvé moi-même il y a 55 ans en Iran. J’avais un père jardinier dans un complexe sportif. Je voulais jouer au tennis et chaque fois que j’y arrivais, on me jetait à coups de pieds dehors. Je jouais contre les murs pendant des heures. De mes 5 ans à mes 13 ans, je jouais avec une pelle, un bout de bois, un balais… 
À mes 12 ans, un joueur qui était mon idole me faisait ramasser des balles pour lui. Je le faisais de 5h à 8h du matin et de 17h à 20h, je gagnais 10 centimes de l’heure. J’étais heureux d’être sur le court. Un jour il me dit que si je ramassais bien les balles en lui renvoyant les balles avec des effets différents, j’aurais un cadeau. Il m’offre une raquette à la fin de cette journée. Ma première raquette ! Elle n’a duré que 24h. J’ai dormi avec, j’étais impatient de jouer avec. Le lendemain, au bout d’une minute à jouer, je me suis vu encerclé par les gardes. L’un d’eux m’a attrapé au-dessus de sa tête et m’a balancé sur le ciment. J’avais du sang qui coulait de partout. Je ne pouvais plus bouger. Il est allé vers ma raquette, je lui demandé de ne pas la prendre et il l’a attrapée et l’a cassée avec son pied. Je n’oublierai jamais ça. Mais je pense que ça m’a rendu plus fort. Je suis revenu quand même. Et un an après, la fédération avait besoin de nouveaux joueurs et on n’avait pas tant de bons joueurs en Iran. La fédération m’a dit qu’à partir de ce moment-là je pouvais jouer autant que je le voulais et tout est devenu plus facile avec une raquette ! Deux ans après j’étais dans l’équipe nationale. Lorsque la révolution a tout interrompu en Iran et de nouveau compliqué les choses. J’ai eu la chance de pouvoir venir en France où j’ai rencontré mon ami Yannick avec qui j’ai beaucoup joué et avec qui je continue de jouer. Le tennis a changé ma vie et je le souhaite au petit Zacharie aussi.”

La salle est très émue par son récit. Les questions reprennent :

Clara 15 ans : quelles ont été vos motivations à faire ce film ?

Ismaël Ferroukhi : Il y a d’abord cette rencontre que je racontais juste avant. Puis, il y a quelques années à Paris, tard dans la nuit, je tombe sur un groupe d’enfants de 10 à 15 ans, venus du Maroc, parlant mal le français. Ils étaient perdus, livrés à eux-mêmes. Je les ai questionnés. Ils m’ont raconté pourquoi ils avaient quitté leurs pays et comment ils étaient venus en France, ce qu’ils avaient subi ici, et dans leurs pays d’origine. Mica est né de ces deux événements et j’en ai fait un mélange, en espérant faire un film d’espoir.

Clarisse 19 ans : Je voudrais vous remercier d’avoir fait ce film car c’est très important pour nous d’avoir de la représentativité dans des films et je voudrais aussi vous remercier, Yannick Noah, d’avoir créé Fête le mur. Je ne pense pas devenir une joueuse professionnelle, mais c’est vraiment émancipateur de pratiquer le sport comme ça et ça donne énormément confiance en soi, donc merci pour ça.

Manas, 15 ans : Pourquoi avoir fait perdre le match final à Mica ?

Ismaël Ferroukhi : Ce qui m’intéressait c’était de montrer qu’on pouvait briser le plafond de verre. Cette limite qui semble infranchissable pour la plupart. Là, Mica, il montre que c’est possible et c’est ça qui est important pour moi, qu’il se fasse accepter. Il joue sa vie, il joue plus qu’un match. On voit un autre Mica, un Mica déterminé qui veut y croire.

Safa, 11 ans : Est-ce que les riches qui se moquaient de Mica étaient vraiment dans l’histoire ou est-ce qu’ils ont été inventés ?

Ismaël Ferroukhi : C’étaient des acteurs, mais c’étaient des enfants de club. Le monde des enfants est cruel parfois et pendant le tournage, il arrivait que Mica vienne me voir en larmes parce qu’il vivait ce genre de choses avec les autres. Je lui rappelais qu’il avait le rôle principal et ça lui redonnait de l’énergie.

Mathis, 16 ans : Est-ce que dans les moments durs, arrêter a été une option ?

Yannick Noah : Non, ça n’a jamais été une option. Il y a des moments durs, on voit peu sa famille et c’est long, mais j’étais déterminé et je n’ai jamais eu envie d’arrêter.

Mansour Bahrami : Je suis arrivé en France après la révolution et j’ai joué pendant plusieurs années avant de repasser professionnel. C’était ma passion et ça l’est toujours. Quand on perd, il faut toujours se demander pourquoi on a perdu, qu’est-ce qui nous a conduit à cette situation et on peut devenir plus grand comme ça !

Isabelle Giordano : Je me souviens avoir un jour été dans une école qui avait un mur sur lequel était écrit “Merci l’échec !”

Les joueurs de tennis sont aussi interrogés sur le fait d’avoir connu des changements de comportement de la part de personnes qui les avaient rejetés étant plus jeunes. 

Mansour Bahrami raconte avoir revu des années plus tard le garde qui l’avait battu et qui l’a félicité pour sa carrière, comme si de rien n’était.

 

CONCLUSION :

Cette première rencontre organisée entre Fête le mur et Cinéma pour tous aura été l’occasion d’anecdotes très fortes et de ressentir fort la mission de transmission aux plus jeunes qu’ont ces deux associations. C’était une réussite et Cinéma pour tous espère pouvoir de nouveau accueillir des Fêtelemuriens pour ses prochaines projections.

Ismaël Ferroukhi propose un film lumineux qui a nourri la discussion d’envies de rêver. Le cadre d’une projection dédiée au public d’une association et du thème de ce film aura permis une discussion passionnée et ouverte autour de questions qui peuvent travailler les jeunes.

 

 

Les livrets d'accompagnement ne sont pas réalisés dans le cadre des projections virtuelles.