Bébé Tigre - Cyprien Val

HISTOIRE

Bébé Tigre, c’est Many, 17 ans. Il vit en France depuis deux ans et mène la vie d’un adolescent presque comme les autres, partageant son temps entre les cours, ses copains et sa petite amie. Mais les responsabilités que ses parents restés en Inde lui ont confiées vont l’obliger à se mettre en danger.

 

CONTEXTE

« NOS HISTOIRES DE FRANCE », cycle de projections organisées en partenariat avec le Musée national de l’immigration et le groupe de recherche ACHAC (créé et dirigé par l’historien Pascal Blanchard), propose depuis un an des séances virtuelles dans les salles de classe des collèges et lycées du réseau de Cinéma pour tous et de celui du MNHI. Ces e-projections sont suivies de rencontres avec des personnalités et sont destinées à accompagner les professeurs dans leur approche de sujets autour du racisme et des discriminations. Elles ont été proposées en alternative aux sorties scolaires pendant les 19 mois de la crise sanitaire. Toutefois, elles ont remporté un succès tel, que nous avons décidé de poursuivre ce cycle virtuel qui a réuni ce jeudi :

233 jeunes répartis dans 13 salles de classe de 12 villes d’Île-de-France et du Lot-et-Garonne et même des Pays Bas.

Bébé Tigre a été choisi parce que c’est un film à hauteur d’adolescent dont l’humanisme avait touché les équipes. Nous pensions qu’il susciterait beaucoup d’empathie et permettrait aux spectateurs de découvrir une culture mais aussi un pan de l’Histoire de l’immigration contemporaine. Des documents pédagogiques conçus par Véronique Servat (historienne et coordinatrice des ressources pédagogiques du musée national de l’immigration), ont été envoyés aux professeurs une semaine avant la séance.

 

LE DÉBAT (EXTRAITS)  

Le réalisateur, Cyprien Val, explique la fin divisent généralement les avis des spectateurs. Certains trouvent que ça se finit bien, d’autres mal. En effet, le film se termine par la dénonciation de son passeur par le personnage principal, pour pouvoir rester en France. Sauf qu’il avait noué une relation presque filiale avec lui et qu’il vit très mal cette trahison, qui est son seul moyen de ne pas avoir à quitter le territoire. Le débat est alors lancé pour savoir ce qu’ont pensé les jeunes de cette fin.

Pendant que les premières questions des jeunes s’affichent sur l’ordinateur, Cyprien Val en profite pour se présenter:

   – D’où est venue l’idée de ce film ? 

J’ai eu l’idée de ce film en animant des ateliers vidéo dans un collège de Pantin où j’ai rencontré des jeunes, que j’ai suivis pendant plusieurs années. L’un d’entre eux avait un parcours de vie qui m’a intéressé, c’était un mineur non accompagné. Il était arrivé sur le territoire français sans sa famille et vivait dans une famille d’accueil. J’ai eu envie de m’intéresser à ce statut précisément. L’histoire du film n’est pas la sienne mais ça m’a inspiré pour me pencher sur la vie de la communauté Sikh.

   – Comment s’est fabriqué le film ? 

J’ai passé du temps à observer la communauté Sikh et des mineurs non accompagnés. J’ai aussi été touché par le point auquel ces adolescents sont forcés de grandir prématurément. J’ai créé le personnage de fiction de Many qui est interprété par le comédien.

 

Puis, Clémentine relaie les questions des jeunes:

 

   – Est-ce que les acteurs sont professionnels ou non professionnels ? Est-ce que c’est le premier film de l’acteur principal ?

C’est le premier film de tous les ados du film et je les ai tous trouvés par un casting sauvage. Je cherchais un garçon qui parle le Penjabi et avec la directrice de casting, donc on s’est immergés dans la communauté Sikh. On a repéré un jour un garçon lors d’une manifestation à Paris et on lui a fait passer des essais qui nous ont beaucoup plu et voilà comment Harmandeep est devenu Many.  J’ai eu du mal à trouver un acteur pour le passeur. Il y a des acteurs jeunes ou plus vieux, mais quasiment aucun de 35-40 ans.

   – Pourquoi avoir choisi le titre Bébé Tigre ? (collège Boileau de Chennevières-sur-Marne)

Le tigre est un animal qui protège les siens et Many cherche par tous les moyens à protéger sa famille qui, d’un point de vue occidental, lui a fait un sale coup. Il les protège mais il a des crocs et des griffes mais il ne sait pas encore vraiment s’en servir.L’image du bébé tigre a aidé en direction d’acteur. Harmandeep s’en est inspiré pour interpréter ce rôle.

   – Quelle est la religion de Many ? (collège Marie Curie de Paris)

C’est le Sikhisme. Cette religion vient du Penjab, qui est le grenier à céréales de l’Inde, c’est une religion très riche. C’est une religion de guerriers et d’entrepreneurs. Il y a une diaspora importante de Sikhs qui sont venus entreprendre ailleurs, ils sont allés entreprendre et sont connus pour leur réussite. C’est une communauté assez discrète et peu nombreuse en France. 

 

Clémentine précise que le plus gros temple est à Bobigny en Seine-Saint-Denis et que la communauté s’est essentiellement installée dans ses environs. Ils ont commencé à s’installer en France à partir des années 90.

 

     – Est-ce que jeune, vous rêviez déjà d’être réalisateur ? Combien de films avez-vous réalisés ? (école européenne de Bergen aux Pays Bas) 

Je n’imaginais pas qu’un jour je pourrais faire des films. J’ai fait des études classiques qui m’ont conduit au monde de l’entreprise dans lequel je me suis dit que je serais sûrement plus à ma place dans le domaine artistique. J’ai fait du théâtre dans ma jeunesse et c’est à la Fémis à 24 ans que j’ai commencé à réaliser des courts métrages.

   – Est-ce qu’il y a des choses que vous auriez aimé changer dans votre film ? (lycée Jean-Baptiste Clément de Gagny)

Question très difficile car j’ai toujours envie de continuer le travail même lorsqu’il est terminé. Mais oui, je changerais la fin du film pour qu’on comprenne mieux ce que la décision de Many implique pour lui. On n’a pas assez d’éléments pour comprendre ce que Many perd en faisant ce choix.

Je ne voulais pas que la fin soit perçue comme heureuse. Il passe à l’âge adulte de façon sale, il a un regard très dur face à la caméra.  

 

C’est l’occasion de faire un point sur le sondage qui nous indique qu’une majorité des élèves a trouvé que le film avait une fin triste.

 

     – On voit que Many est tiraillé entre son passeur qui devient son mentor, sa famille, sa famille d’accueil…

Personne n’est totalement bienveillant ni malveillant et c’est ce qui m’intéresse dans ce projet. Il n’y en a qu’un qui mène sa barque à travers ces micros univers susceptibles de l’aider mais pas tout le temps. C’est ce qui m’a touché : ces jeunes peuvent sembler très entourés mais sont conduits à prendre des décisions d’adultes alors qu’ils sont tout petits. J’ai eu l’impression de rencontrer des aventuriers du monde contemporain en croisant la trajectoire de ces garçons.  

 

Cyprien Vial poursuit et évoque sa relation avec Harmandeep pour le diriger pendant le tournage :

 

J’ai apporté ici un outil sur lequel on est tombés d’accord. J’ai fabriqué un cahier sur lequel pour chaque séquence du film, l’état du personnage est caractérisé par 2 mots et une image. Comme on tourne les séquences dans le désordre et que le personnages est assez intérieur, ce cahier nous a aidés à envisager ses différentes émotions selon les séquences. Certaines images lui parlaient plus ou moins, c’était une source de débats et de dialogue entre nous.On tourne le film par décor, par contraintes, donc on tourne tout dans le désordre.

 

 

CONCLUSION

Cette discussion fut l’occasion de questions très variées, portant sur l’humanisme et la narration du film tout comme du travail du réalisateur et de la fabrication de Bébe Tigre. La séance a rassemblé davantage d’unités pédagogiques pour élèves allophones arrivants que la programmation des films que nous avions jusqu’à présent programmés. Nous avons touché de nouveaux publics avec une classe du Lot-et-Garonne. Ces projections virtuelles qui se renouvelleront l’année prochaine sont appelées à devenir de véritables rendez vous , en parallèle de nos projections dans de belles salles de cinéma.  

Les livrets d'accompagnement ne sont pas réalisés dans le cadre des projections virtuelles.