Compagnons - François Favrat

Jeudi 24 février 2022 à 20h30

Cinéma Le Studio (Aubervilliers)

L’HISTOIRE

À 19 ans, passionnée de street art, Naëlle est contrainte de suivre avec d’autres jeunes un chantier de réinsertion, sa dernière chance pour éviter d’être séparée de ses proches. Touchée par la jeune fille, Hélène, la responsable du chantier, lui présente un jour la maison des Compagnons de Nantes, un monde de traditions qui prône l’excellence artisanale et la transmission entre générations.

Aux côtés de Paul, Compagnon vitrailliste qui accepte de la prendre en formation dans son atelier, Naëlle découvre un univers aux codes bien différents du sien… qui, malgré les difficultés, pourrait donner un nouveau sens à sa vie.

   

CONTEXTE

Cinéma pour Tous a organisé cette projection en partenariat avec l’Institut de l’Engagement s’inscrivant dans leur campus bi annuel. Le film Compagnons a attiré notre attention pour ce qu’il raconte des valeurs de transmission, de confiance, de qualité de l’artisanat…

La projection a eu lieu jeudi 24 février 2022 au Cinéma le Studio à Aubervilliers, en compagnie d’une centaine de jeunes en lien avec l’Institut de l’Engagement. Le choix du film était d’autant plus pertinent considérant le parcours associatif des jeunes présents, qui pouvait donc être mis en lien avec les Compagnons du devoir. L’histoire a beaucoup touché les spectateurs, et en a découlé un débat riche en émotions.

DÉBAT AVEC NAJAA – comédienne principale (Extraits)

Les réactions étaient nombreuses, et les questions fusaient. L’actrice principale, Naaja Bensaid était présente et très volontaire pour débattre et se questionner mutuellement. Beaucoup de jeunes ont souligné que le film les avait bouleversés, et l’ont félicitée pour sa performance.

Est-ce que vous aviez une sensibilité pour les Compagnons ou les avez-vous découverts avec le film? Avez-vous eu des contacts avec des Compagnons ? Il paraît que ça marque réellement. 

Je connaissais pas du tout les Compagnons, je les ai découverts pour le film.

J’ai eu l’occasion de rencontrer pas mal de compagnons et d’aspirants. C’est vraiment le dévouement d’une vie, c’est comme une famille, une communauté où ils sont très solidaires. Finalement, peu deviennent compagnons mais ceux qui décident de l’être sont à l’image du film, dans l’esprit de famille tout du moins. Pendant le tournage, il y avait d’ailleurs pas mal de vrais compagnons aussi, ainsi que des habitants de Nantes et Bellevue. Le réalisateur voulait donner une impression de réalisme.

Est-ce que vous avez réellement appris à tailler du verre ?

J’ai réellement appris à tailler du verre et j’avoue que ça ne m’a pas pris autant de temps que je le pensais, mais j’ai dû répéter avec une vitrailliste.

J’ai été très bouleversée par le film, et je me posais la question : à travers votre rôle, est-ce que vous avez appris des choses, est-ce que cela a eu un impact sur vous aujourd’hui ? Sensibilisé sur les jeunes, leurs aspirations, etc. 

Alors déjà ce rôle là j’avais très envie de l’avoir, parce que j’ai passé énormément de castings, et je me suis confrontée à énormément de refus, c’est un peu la règle du jeu. Quand j’ai reçu la scène de casting, elle m’a beaucoup touchée. J’avais donc très envie de jouer ce rôle là parce qu’il me permettait d’exprimer des choses, et j’en suis assez fière au final. J’avais peur que mon rôle soit cliché… En général les jeunes de quartiers sont souvent caricaturés et méprisés, donc ça me tenait à cœur.

Êtes-vous vous-même issue d’un quartier défavorisé ou avez-vous dû vous imprégnez du rôle? 

J’ai grandi dans le 10e arrondissement de Paris et un peu à Saint-Ouen, donc peu en banlieue, pas en cité. Après, mes parents n’étaient pas issus d’un milieu aisé, loin de là. J’ai grandi dans des quartiers avec beaucoup de mixité, provenant de milieu différents et je trouve que c’est une force.

D’un point de vue de spectatrice, quelle est la scène qui vous a le plus marquée ? 

Une scène que je trouve très belle, c’est quand je m’en vais de chez les Compagnons parce que je me suis fait virer et qu’on essaie de me retenir.

Quelle est la prochaine étape pour vous ? À quoi aspirez-vous en général ? 

Je ne sais pas trop de quoi est fait demain, ça dépend ce qu’on peut me proposer. J’espère juste faire les bons choix, et jouer dans des films qui ont du sens pour moi.

Est-ce que ce film a un peu pour but d’inciter les gens à se mélanger ? 

Oui, pour le réalisateur c’était une réelle intention. De casser les préjugés, et de mettre en avant les rencontres, surtout autour de quelque chose qui fait sens, là notamment avec l’artisanat.

Au final, le nom de Compagnon de Naëlle, ça serait quoi ? 

J’ai rencontré pas mal de Compagnons qui m’ont dit qu’elle aurait pu s’appeler Nantaise la Persévérante.

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Un débat a même été par la suite initié sur les potentiels clichés (ou non) qui pouvaient véhiculer dans Compagnons.

Tout à l’heure vous avez parlé de caricaturer le personnage, du coup je voulais initier le débat en demandant ce que vous pensez de l’image de ce film, ce qu’il renvoie. J’entends bien que l’idée c’est de sensibiliser l’opinion publique, car il existe bien des talents dans les quartiers, mais est-ce que cela ne vient pas aussi nourrir l’image générale qu’on a des jeunes de quartiers? Nourrir ce cliché en offrant toujours la même image à l’opinion publique? Les jeunes présents dans les quartiers déscolarisés, pas en activité, et c’est une association ou une structure qui vient les sortir / les sauver de cette galère. C’est toujours cette image là qui est montrée, les films sont toujours tournés dans le même sens… 

Quand on a présenté le film en France, surtout en Province, j’ai eu le sentiment que pour beaucoup, c’est un monde qu’ils ne connaissaient pas. On a dû faire 30 avant-premières avec 200, 300 spectateurs et donc des gens qui sont assez éloignés de ce milieu là, et très souvent les réactions c’était de trouver que l’image que renvoyait le film était une image positive. Et c’était une peur que j’avais comme je l’ai dit que les rôles soient caricaturés. Personnellement, je trouve que ce film montre une certaine réalité, et même si je ne l’ai pas réalisé j’ai essayé d’interpréter mon rôle le plus sincèrement possible. Le réalisateur tenait à casser les préjugés des deux côtés, autant sur la banlieue que sur les compagnons. Qu’une fois qu’il y avait une rencontre, il pouvait se passer des choses extraordinaires. Après évidemment, le film existe au-travers des spectateurs.

CONCLUSION 

La rencontre entre deux opposés, la banlieue et les compagnons du devoir, permet de toucher des personnalités diverses, et de briser les stéréotypes sur ces deux groupes.

Ces projections organisées avec L’Institut de l’Engagement permettent de pousser les discussions sur des terrains aussi divers que passionnants et nous sommes chaque fois saisies par la qualité des interventions et d’écoute qu’il y a entre les lauréats de L’Institut, qui viennent pourtant de milieux très différents les uns des autres.

Najaa nous a même glissé que ce fut le débat le plus intéressant et prenant de tous ceux auxquels elle avait participé depuis le début de la tournée !