Haut et fort - Nabil Ayouch

CONTEXTE

Haut et Fort est le 8e long métrage de Nabil Ayouch. Le film avait attiré l’attention de Cinéma pour tous dès sa sélection cannoise. Il nous emmène à la rencontre d’un groupe de jeunes qui grandissent dans l’un des bidonvilles les plus pauvres du Maroc, mais qui apprennent, à travers le rap, à trouver les mots pour parler d’eux, de leur vie, de leur regard sur le monde qui les entoure et de leur envie d’évasion.
Le film aborde des questions de tolérance, le processus d’apprentissage, la transmission… Et fait la part belle au hip hop !
En faisant parler ces jeunes, on découvre le discours universel d’une jeunesse qui rêve de liberté.

DÉBAT : EXTRAITS

Le débat a duré 45 minutes. Il était animé par Brigitte Aknin, en présence de Nabil Ayouch. Il était très touché de découvrir que certains étaient venus de loin rien que pour voir son film et il avait envie de partager son expérience avec ces jeunes spectateurs.
La première question, initiée par Brigitte, portait sur la façon dont il présente des jeunes qui viennent d’un quartier bien spécifique de Casablanca et de comment le réalisateur sentait que ça pouvait parler à des jeunes de façon plus universelle.
Nabil Ayouch a expliqué qu’il avait été lui-même à l’origine de ce centre au Maroc, qui est un vrai centre culturel et qu’il a compris, en les rencontrant, que leurs problématiques allaient bien au-delà d’une condition sociale dans leur pays. Il avait choisi de faire un film sur la jeunesse et qu’il pensait que les jeunes des faubourgs de cas ont beaucoup en commun avec ceux des banlieues de Paris, Bogota ou Kinshasa.


Ismaël : Pourquoi avez-vous voulu faire un film sur le hip hop ?
Nabil Ayouch : J’ai grandi à Sarcelles au début des années 80 lorsque le hip hop arrivait des États-Unis. Grâce à ces textes, on arrivait à parler de nous, de la banlieue. Avant ça, on n’avait pas vraiment de moyen de se faire entendre ou écouter. Quand j’ai vu, des années plus tard, au Maghreb comment la jeunesse arrivait à s’en emparer de la même manière, pour raconter qui elle est, j’ai trouvé ça extrêmement émouvant. J’y ai trouvé une part de biographie que j’avais envie de raconter.


Plusieurs ont interrogé le rapport réalité fiction / documentaire.

Lucie : Est-ce que les débats sont improvisés ?
Dahlia : Est-ce que les jeunes vivent vraiment dans ces endroits ?
Junior : Est-ce que les jeunes filmés font vraiment partie du centre culturel de Sidi Moumen ?
Nabil Ayouch : Oui, à 95% pour les personnages réels. C’est en les écoutant que j’ai compris quels étaient les sujets qui les faisaient bouger. J’ai tourné pendant 3 ans et ce film est une fiction, tout est scénarisé, même s’il est très empreint de la réalité de la vie de ces jeunes.

Adah : Y a-t-il vraiment eu une émeute devant la salle de spectacle ?
Nabil Ayouch : Là c’était de la fiction mais ça s’est déjà passé, oui. Le film est basé sur l’observation du réel. Le centre existe, les jeunes existent. À partir de là, j’ai écrit une histoire qui ressemble à la réalité mais qui n’est pas la réalité. Et avec l’idée de sublimer la réalité à travers les moments rappés, slamés, chantés, dansés.


Le poids des traditions face à l’émancipation, ainsi que les questions autour de l’islam ont amené différentes remarques :

Sami : Pourquoi avoir choisi l’Islam pour les débats ?
Nabil Ayouch : Ces jeunes sont parfois dans une sorte de schizophrénie. Ils reçoivent une certaine idée et image de l’islam dans une société extrêmement traditionnaliste et par ailleurs ils ont le regard tourné vers l’Occident quand il s’agit de culture, de hip hop… Ils en parlent tout le temps entre eux. 


Il a aussi été question de transmission :

Sofia, enseignante : J’ai été touchée par le départ du professeur qui part alors qu’il a semé une graine.

Luissa : Pourquoi avoir choisi cette fin ?
Nabil Ayouch : J’ai fait ce choix car Anas les a accompagnés et ils ont travaillé et se sont approprié ce dont ils avaient besoin pour avancer seuls. C’est ce que font vos professeurs en vous formant jusqu’à ce que vous puissiez voler de vos propres ailes.


Plusieurs spectateurs se sont intéressés au choix du Maroc :

Eliah : Comment font les jeunes pour se payer ces cours ?
Nabil Ayouch : Dans ce centre, seuls ceux qui ont les moyens payent. Les autres ont des parrains et marraines qui payent pour eux.

Marela : Comment le film a été accueilli au Maroc ?
Nabil Ayouch : Il est sorti il y a 15 jours pile, les salles sont pleines et il est numéro 1, mais surtout les salles sont pleines de jeunes comme vous, qui n’ont pas l’habitude d’aller au cinéma et ça fait très plaisir !