Fin octobre, l’association Tout Va Bien a organisé, en partenariat avec Cinéma pour Tous, un ciné-débat autour du film Bigger Than Us pour environ 150 jeunes des quartiers populaires au Pathé Bellecour de Lyon.
Ce documentaire part à la rencontre de jeunes qui s’engagent dans le monde entier pour les droits sociaux, humains et environnementaux. Après le film, les jeunes ont pu échanger avec la réalisatrice, Flore Vasseur. Voici une retranscription de leurs questions. Parole aux jeunes.
TVB : Comment avez-vous choisi ces jeunes mis en lumière dans le documentaire ?
FV : Mon fils de 7 ans m’a demandé « Maman, ça veut dire quoi que la planète va mourir ? ». J’ai réalisé que je ne pouvais pas mettre en mot de réponse, avec ses mots. Je ne parlais qu’aux adultes souvent insensibles à cette question. Alors, j’ai voulu faire témoigner des jeunes qui agissaient dans des endroits où on ne les attendait pas. J’ai vu la conférence Ted de Mélati (la jeune Indo-Hollandaise qui va à la rencontre des autres jeunes dans le film), engagée depuis ses 12 ans contre la pollution plastique à Bali. Je l’ai contactée. Puis, j’ai cherché des jeunes engagés concrètement, depuis longtemps. Il en existe beaucoup ! On en avait retenu une quarantaine puis finalement on a gardé ces 7 jeunes car ils étaient assez solides pour l’aventure. Ce sont des jeunes qui font des choses qui traversent aussi bien leur vie, leur survie, que leur identité.
TVB : Pourquoi avez-vous choisi de ne pas vous montrer dans ce film ?
FV : Je voulais qu’il n’y ait pas d’adultes dans ce film et qu’il montre justement que les jeunes ont toute leur place dans la société et que certains décident de la prendre. C’était un pari difficile à tenir dans l’industrie du cinéma. Mais je voulais que l’on entende votre génération. J’ai eu la chance de rencontrer Marion Cotillard, une des plus grandes actrices de sa génération, mais je ne lui ai non pas demandé d’être à l’écran, mais de produire le documentaire. Elle a d’abord été étonnée, a réfléchi quelques secondes et puis à tout de suite été d’accord. Cela m’a permis de le faire pour le cinéma et de m’ouvrir de nombreuses portes.
TVB : Comment vous et l’équipe vous êtes-vous sentis face à tout ce que vous avez vu, les gens en Afrique ou encore la décharge géante de plastique ?
FV : Moi, j’ai été préparée à ça, puisque j’ai fait des mois de recherches sur le sujet. Évidemment, jusque-là, il y avait toujours une distance entre la réalité et moi : la caméra et l’exigence du travail. Mais ce que l’on comprend, c’est que ces gens n’ont pas besoin de notre pitié, au contraire. Je ne peux pas m’effondrer, ils n’ont pas besoin de ça. Et eux ils sont forts et agissent. Ça m’a aussi appris à mieux remercier. Journalistes, réalisateurs, on vient voler des histoires et des images. C’est un cadeau énorme que nous font ces personnes. L’important est de savoir comment on leur rend ça. Sur les prochains films, je serai encore plus attentive à ça.
TVB : Pourquoi ce sont ces jeunes qui agissent et pas les gouvernements ?
FV : C’est ce que l’on montre dans ce film. Ces jeunes agissent parce que les parents, les institutions, les gouvernements… ne font plus rien. Si eux ne le font pas, personne ne le fait, alors ils le font. Nous étions dans les favelas, au Brésil, où la situation est très grave. Le pays est vraiment en train de s’effondrer. Ces jeunes se disent qu’ils n’ont pas le choix et décident de se lever et agir.
TVB : Est-ce que cela a répondu à la question de votre fils ?
FV : Je ne sais pas, je ne suis pas sûre. Et je pense qu’il s’en est posé plein d’autres depuis, et tant mieux. C’est le propre de l’enfance d’avoir toujours des questions. Ce qui est important, c’est de continuer de s’en poser longtemps. On naît avec deux questions « pourquoi ? » et « c’est pas juste ! ». Les sept jeunes sélectionnés dans ce film continuent de se demander pourquoi et de se dire que ce n’est pas juste et décident alors d’agir. Ce qui est sûr, c’est que sans mon fils, je n’aurais pas fait ce film.
TVB : Suite à ce film, quelles sont les conclusions que vous avez tirées ?
FV : J’ai eu la chance d’aller partout pour ce film, mais il m’a fait comprendre qu’on n’avait pas besoin d’aller à Lesbos ou au Malawi pour aider. L’important est d’avoir envie de le faire. Comme dit Mary, une des jeunes du film qui secourent des migrants en Grèce, cela m’a aussi permis de rencontrer des gens comme moi, de me constituer une tribu. On croit que l’on fait ça pour sauver le monde, mais en fait, c’est pour se lier au monde.